Rencontre + interview avec Marilyn Vince
Brutal. est allé à la rencontre de la céramiste Marilyn Vince dans son atelier à Issy. Partons à la découverte de son univers à travers une interview.
Quel est ton parcours et ta formation pour arriver à la céramique ?
Je ne viens pas directement de la céramique. Me concernant, c’est une reconversion entamée il y a une vingtaine d’années. J’ai fait des études de langues (traduction -interprétariat) et commerce en France, Suisse et en Italie. J’ai ensuite travaillé plusieurs années entre Paris et New York dans le domaine des échanges linguistiques, de la traduction et l’interprétariat, et dans l’immobilier à l’international.
Es tu autodidacte ou as-tu appris de quelqu'un d'autre?
A mon retour de New York en 1998 j’ai ressenti le besoin de faire avec mes mains, j’étais beaucoup dans le cérébral et les échanges avec l’extérieur et j’avais besoin de me recentrer d’avantage. C’est à cette période que j’ai commencé à prendre des cours de modelage et tournage en loisirs à Montreuil chez Valeria Polsinelli.Puis la passion a pris le dessus et j’ai entamée une formation de CAP de tournage avec le Maître tourneur Augusto Tozzola. Cette rencontre a été décisive et m’a permis de quitter mon poste et de m’installer à mon compte quelques années plus tard.
Te souviens tu de ta première pièce ?
J’avais fait du modelage dans une MJC étant adolescente et je me souviens très bien de la pièce que j’avais gardée: c’était étonnement , et je ne saurais l’expliquer : un pot de chambre bleu de Sèvres...Je me souviens plus tard en cours loisirs de la première pièce que j’ai finalisée et pu récupérer : je l’ai toujours à l’atelier. C’est un bol en faïence rouge tourné, engobé et émaillé : un jeu de noir mat et émail brillant très coloré très cinquante dans l’esprit.
Comment définirais-tu ton travail ?
Mon travail a beaucoup évolué au fil des ans.J’ai commencé par un travail de pièces uniques, proche de la sculpture en grès d’Irak : ce sont des pièces qui caractérisent encore mon travail aujourd’hui car elles touchent à quelque chose d’essentiel pour moi qui est la dualité entre force et fragilité: le côté brut de cette terre chamottée poussée à l’extrême fragilité m'intéresse beaucoup. Les formes simples , épurées géométriques ou organiques sont aussi importantes.Ces dernières années je travaille plus sur des petites séries de pièces utilitaires en porcelaine teintées dans la masse: la finesse et la pureté et du design sont un fil continue qui relient ces 2 périodes.
Quel est ton processus de création et de fabrication ?
Dans mon processus de création il y a deux étapes : le dessin et le façonnage.Je commence toujours par dessiner, puis vient l’étape de la mise en couleurs sur papier, puis celle du prototypage qui peut être plus ou moins long: c’est le moment où je dois calibrer au mieux mon objet pour qu’il corresponde le mieux à l’idée initiale.enfin, je mets en production. Je ne travaille que la pièce unique ou de toutes petites séries limitées.
Quelle est ta technique favorite ? Ton moment préféré dans le processus ?
Ma technique favorite reste le tournage: les sensations sont fortes, la technique très présentes et c’est important à mon sens.Mon moment préféré dans le processus est le tournassage ou les finitions en modelage: j’aime le moment où on peux passer des heures sur le détail et voir la forme se rapprocher de plus en plus lentement de l’idée initiale.
Quel est ton matériau de prédilection ? Qu’est-ce qui te plaît chez lui ?
J’aime toutes les terres mais il y en a deux que j’aime particulièrement: peut être parce qu’elles représentent en quelque sorte des opposés: c’est le grès d’Irak et la porcelaine.J’aime la chamotte du grès et son aspect brut, son son qui se modifie au fur et à mesure des étapes de tournassage et j’aime la porcelaine pour sa grande douceur et son côté indomptable: on ne sait jamais ce qu’elle nous réserve comme surprise! Je travaille en ce moment sur une nouvelle collection qui allierait les 2.
Qu'est ce qui t'inspire en dehors de la céramique ?
Je suis comme beaucoup de céramiste inspirée par la nature, mais l’architecture me passionne aussi, le design et les matériaux en général. Mais l’asphalte d’un trottoir parisien ou la couleur d’un ciel peut aussi m’inspirer.
Peux tu nous parler d'un ou des plusieurs livres sur la céramique ou sur un autre chose d'ailleurs ?
Un très beau livre qu’une des mes élèves ma offert l’an dernier: L’éloge de l’ombre de Junichuro Tanizaki qui reste une référence dans ce que le Japon a à nous apporter en tant qu’occidentaux sur les notions d’esthétisme . Propos d’un céramiste de René Ben Lisa que j’ai lu à mes débuts et qui pour moi représente une leçon de vie et d’humilité pour tous les céramistes, et tous les livres de Michel Pastoureau sur la couleur.
Quels sont tes derniers voyages marquants ou tes envies de voyages ?
Le dernier voyage marquant remonte à l’an dernier: sillonner toute l’Ecosse en Campervan en famille pendant un mois.J’aimerais aussi beaucoup retourner en Afrique qui reste pour moi un continent d’émerveillement et d’inspiration permanente.